L’infrastructure et les écosystèmes le long de la pyramide de Feynman [6] : le web des objets
par Jean-Luc Dormoy
De vastes systèmes distribués sont en train de naître dans nos cités et dans nos campagnes à travers le web des objets. C’est une extension vers des infrastructures distribuées encore plus massives que celles décrites précédemment, qui incluent des milliards d’objets digitalisés.
Cela résultera d’un double mouvement : des systèmes sur le web s’étendront en les incluant vers des objets intelligents existants ou nouveaux; des objets digitaux se connecteront au web et commenceront à « parler » à leurs congénères et aux utilisateurs pour former de nouveaux systèmes. Les architectures globales du web ont ainsi tendance à se reproduire à nouveau de façon fractale, mais cette fois « à l’horizontale » dans des systèmes locaux. On n’a pas un seul web des objets, mais des webs de sociétés d’objets.
Par exemple, on parle de réseaux de capteurs. Il s’agit de capteurs disséminés, communicant à la base en proximité les uns avec les autres, et ainsi capables de communiquer à longue distance grâce à des réseaux multi hop. Pour les rendre utiles, ils sont groupés dans des systèmes digitaux étendus complexes et grâce auxquels on sera en mesure de proposer des services. Dans ces systèmes, les capteurs et le système global sont mis en œuvre simultanément. Un exemple pourrait être de semer des capteurs par avion sur une forêt à risque pour prendre en charge l’alerte incendie.
Un exemple d’utilisation de systèmes existants consiste à se servir des positions connues des téléphones portables, acquises par GPS, pour reconnaître ceux qui sont en train de « circuler » sur une route, et ainsi connaître le trafic en temps réel. Les téléphones portables pourraient être ainsi assemblés en un vaste système distribué.
De façon générale les systèmes embarqués vont désormais être connectés sur l’Internet et le web. Lorsque la fonction demandée et utilisant cette connectivité est critique, cela pose des questions sur la capacité de l’Internet de supporter cette criticité. L’Internet est en effet un système best effort par excellence[1]. Il sera donc probablement nécessaire d’introduire dans l’Internet des éléments de système worst case pour ces nouvelles applications.
Un exemple relatif aux questions énergétiques tourne autour de ce que l’on appelle les smart grids. En réalité, tout objet électrique pourrait devenir digital, et s’intégrer à un vaste web de l’énergie, la réciproque étant déjà vraie. Les applications entrevues relèvent de la gestion de la demande et de l’optimisation conjointe des systèmes locaux et globaux, de l’extension et de la meilleure utilisation des sources d’énergie intermittentes comme les renouvelables (solaire, éolien), de l’intégration de la voiture électrique.
De la même façon les routes vont être équipées d’une infrastructure digitale interagissant avec les véhicules qui y circulent. Les véhicules communiqueront également entre eux. Cela permettra par exemple de procéder à une gestion de trafic pour chaque véhicule, plutôt que de subir et constater des événements statistiques : congestions, bouchons.
Cela posera probablement des questions fondamentales sur les comportements de foule de ces millions d’agents digitaux distribués et coopérant, voire en concurrence. Les « incidents » causés par les agents logiciels financiers « devenant fous », et provoquant de brusques variations des cours, en constitue une préfiguration.
Des efforts de modélisation seront nécessaires pour traiter ces questions. La question se pose d’ailleurs pour toutes ces infrastructures.
Certains réseaux sociaux, comme Twitter, peuvent être « détournés » et utilisés comme une infrastructure intermédiaire, notamment pour permettre à des objets digitaux de communiquer entre eux et avec des êtres humains – par exemple votre cafetière pourrait « twitter » demain avec le gestionnaire d’énergie ou le frigidaire, en charge du réapprovisionnement en épicerie. Ces utilisations s’appuient sur des API – Application Programming Interfaces – permettant de programmer de nouveaux services les utilisant.
[1] C’est même comme cela et pour cela qu’il a été initialement développé, puisqu’il devait constituer un réseau militaire de communication capable de continuer de fonctionner en cas d’attaque atomique, et donc de « faire au mieux » avec flexibilité en cas d’événements adverses.
Moore’s Law and the Future of [Technology] Economy de Jean-Luc Dormoy est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Partage à l’Identique 3.0 non transposé.
Basé(e) sur une oeuvre à mooreslawblog.com.