La dimension technologique des services
par Jean-Luc Dormoy
La dimension technologique recoupe l’ensemble des idées, connaissances, savoir-faire, procédés, algorithmes, théories, etc., permettant de développer ces services. Lorsque l’on parle de services logiciels, cette technologie est avant tout immatérielle. Elle s’enracine dans à peu près toutes les disciplines scientifiques dont l’objet pourrait également être qualifié d’immatériel : mathématiques, psychologie, sociologie, finance, communication, linguistique, etc. Les disciplines scientifiques « dures » sont également mises à contribution, par exemple la physique pour ses apports en modélisation du monde réel, ou la biologie pour les applications en santé ou médecine. En outre ces disciplines sont utilisées de façon métaphorique comme sources d’inspiration pour créer les objets efficaces dont on a besoin en technologies de l’information. Par exemple la physique des particules pourra être utilisée pour fonder un modèle de simulation de comportement de foules, d’utilisateurs du web, ou d’acteurs d’un marché financier; la biologie pourra servir à modéliser le comportement d’un groupe ou d’une société; les neurosciences d’un système intelligent.
Ces connaissances, qu’elles soient intrinsèques au domaine des technologies de l’information, ou développées en relation avec d’autres disciplines, constituent le domaine scientifique des sciences de l’information. Il y a souvent débat pour savoir si ces disciplines sont effectivement à hisser au statut supposé supérieur de science, ou doivent rester au niveau de technologies. A notre sens il s’agit bien de science : l’ensemble de la démarche scientifique de formation d’hypothèse, d’expérimentation, de vérification ou au contraire de dénégation est à la base de la discipline. Par contre l’objet de cette science tranche par rapport à celui des sciences dites naturelles : les questions posées sont majoritairement issues des développements de la technologie et de son utilisation. Ainsi, il y a bien des questions d’ordre scientifiques posées par le développement du web, mais le web est issu du développement dans toute la société de la technologie sous-jacente. On a donc une science portant sur un artefact de la société humaine.
La recherche en technologie de l’information comporte par ailleurs comme toute recherche les volets fondamental, applicatif, technologique. Pour faire simple, le volet fondamental tente d’approfondir les connaissances pour résoudre une (bonne) question posée; le volet applicatif tente de voir comment utiliser ce stock de connaissance pour construire des objets « utiles »; le volet technologique met tout cela en œuvre dans des objets concrets. Nous employons le mot « objet » dans un sens là aussi métaphorique, il s’agit souvent d’un composant immatériel cristallisé dans un composant logiciel. Ces trois niveaux sont fortement imbriqués. La particularité des technologies de l’information de poser des questions scientifiques issues des conséquences de la technologie qu’elle permet rend cette imbrication encore plus prégnante.
Nous avons choisi un découpage proche du volet technologique, c’est-à-dire de son utilisation dans la création de services utilisables, avec trois catégories :
- la gestion du contenu et des connaissances
- l’interaction avec les utilisateurs et le monde physique
- la décision et l’autonomie
Tous les outils technologiques servent dans l’ensemble des services, qu’ils soient de type Me, Group ou Society. Bien entendu, des domaines comme l’interaction avec l’utilisateur ont une importance particulière pour des services Me, à l’inverse la gestion de montagnes de données pour le domaine Society. Mais les données privées tendent à être digitalisées et représenter des quantités importantes, alors que les services Society sont un échec s’ils ne prennent pas en compte de façon sophistiquée les interactions avec leurs utilisateurs. Et dans chaque domaine sociétal on a tendance à créer des services gagnant en autonomie et capacité de décision.
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